18 h 45, mercredi. La nuit tombe rapidement dans un froid glacial. L'Enez Couz rentre dans le port de Concarneau après une bonne journée en mer. À son bord, Manu, le patron, et deux plongeurs professionnels, Arnaud et Julien. La journée n’a pas été fantastique. Les trois hommes n’ont ramené qu’une quinzaine de kilos d’ormeaux.« Depuis décembre, c’est coup de vent sur coup de vent, explique Arnaud, l’un des deux plongeurs. L’eau est sale et nous avons des difficultés pour explorer les sites. »
Depuis fin décembre, le fileyeur caseyeur concarnois est l’un des trois bateaux qui a obtenu le sésame, la licence professionnelle pour la pêche aux ormeaux dans le quartier maritime de Concarneau. Dans une zone bien ciblée, l’archipel des Glénan, et avec une réglementation draconienne. « Jusqu’à maintenant, cette pêche était interdite ici pour les professionnels, explique Marc Bigot du comité départemental des pêches du Finistère. La décision d’octroyer des licences professionnelles a été prise en septembre par le comité régional des pêches, en concertation avec Ifremer. Il y avait des demandes régulières depuis une quinzaine d’années, mais elles n’avaient pas abouti pour plusieurs raisons. »
Pêche ciblée
Si cette pêche ciblée, faite à la main par des plongeurs en bouteille, est une première dans le coin, en Bretagne-Nord, elle existe depuis plusieurs années. « Nous avons copié l’organisation de cette pêche sur le modèle de l’archipel de Molène, poursuit Marc Bigot. Cela a été approuvé par la préfecture de Bretagne sur la base d’un contingent de trois bateaux et sur le fait qu’elle soit expérimentale. »
A contrario de l’idée que certains peuvent faire de la pêche en bouteille, pillant fonds et ressources halieutiques, Ifremer Brest assure que le système de gestion mis en place depuis des années pour cette pêcherie en Bretagne est « exemplaire ». « C’est une pêche très encadrée. Il n’y a pas d’équivalence à ce niveau en terme de réglementation, assure un chercheur d’Ifremer. Avec le système de quota global par zone, du nombre limité de licences, du quota par bateau, du nombre de bagues accordé par le comité des pêches ou de la taille de capture imposée, il n’y a aucun problème sur la ressource liée à l’exploitation. »
Pour le chercheur, plus encore, le fait de délivrer des licences professionnelles permet de limiter le braconnage :« La présence des pêcheurs professionnels dissuade la pêche illégale en plongée sur le territoire qu’ils occupent. »
Activité d’appoint
Pour l’instant, Manu et ses deux amis plongeurs ne sortent à la pêche aux ormeaux qu’une fois par semaine. Une activité d’appoint qu’il aimerait développer encore plus. Le reste de la semaine, le patron de reprend, seul, sa pêche traditionnelle entre filets et casiers.
Manu, lui, croit en la pêche aux ormeaux, espérant même que la pêche en plongée se développe sur d’autres espèces. « C’est un type de pêche raisonné, ciblé, qui valorise le produit. Il y a un avenir dans la plongée, ajoute-t-il. L’idéal serait d’élargir la zone de pêche des ormeaux sur tout le quartier maritime de Concarneau.Pour ne pas toujours ponctionner sur la même zone. »
Reste que désormais on peut trouver beaucoup plus facilement des ormeaux à Concarneau. Sous criée ou en vente directe auprès du fileyeur caseyeur. Mais cela a un prix. Normal, l’ormeau reste un produit de luxe…